La toute première fois
C’était à la fin de l’année 2010. Mon fils aîné m’a entraînée dans une ruelle du centre de Clermont-Ferrand jusque devant une jolie librairie : « La librairie de Clermont » . C’est une librairie indépendante, petite, bourrée de livres, qui sent bon le bois et le papier et invite aux rêves le lecteur passionné.
Installé depuis quelques mois dans le Puy de Dôme, mon fils avait noué des liens amicaux avec la libraire, à force de venir fouiner dans les rayons, tâter les couvertures des livres, respirer l’odeur des pages. Et parler des auteurs qu’ils aimaient.
Entre mes mains
Nous sommes entrés, l’amie – libraire s’occupait d’un client, elle nous a fait un signe. Alors que j’apprivoisais les odeurs de la librairie, tournais autour des montagnes de livres, posais les yeux, tête penchée, sur les rangées d’étagères, gourmande d’y voir des auteurs que j’aimais, curieuse d’en dénicher d’autres, il s’approcha de moi, me mit un livre entre les mains. Je lus « Enlèvement avec rançon » et en remontant légèrement le regard : Yves Ravey.
« Tu aimes les films des frères Coen, tu vas adorer Yves Ravey », je pense immédiatement à « Fargo », des extraits du film passent devant mes yeux. Le message d’avertissement au début du film:
« Ceci est une histoire vraie. Ces événements ont eu lieu dans le Minnesota en 1987. À la demande des survivants, les noms ont été changés. Par respect pour les morts, le reste est décrit exactement comme cela s’est déroulé. »
Une seule scène du film est tirée d’un fait réel. C’est celle où l’un des tueur utilise une machine à broyer le bois.
C’est l’histoire d’un loser qui fait appel à deux tueurs à gages pour kidnapper sa femme. La rançon sera payée par son beau-père, il compte bien en prendre une bonne partie. Yves Ravey ne raconte pas la même histoire, évidemment. Mais mon fils me connaît bien. Je souris.
Et j’attrape le livre.
C’est ce que j’ai fait
Quand la libraire est venue nous saluer, mon fils m’a présentée, elle m’a interrogée sur mes lectures, les auteurs que j’aimais. J’ai été tout de suite conquise par l’affection de cette femme pour les auteurs. Je suis sortie plusieurs minutes plus tard chargée de quatre ou cinq livres, le cœur battant de promesses. J’étais déjà allongée sur mon canapé, calée entre deux coussins, mes livres dans les mains. Il a été long le trajet pour regagner la maison de mon fils.
Grâce à cette délicieuse libraire, j’ai découvert un auteur américain. Mais ce que je voulais, là tout de suite, c’était lire Yves Ravey. Et c’est ce que j’ai fait.
Dans « Enlèvement avec rançon », Yves Ravey raconte avec des mots bien taillés, des phrases simples, une ponctuation précise qui épure le texte ( il utilise les deux points : pour expliquer son propos, et bon dieu ce que j’aime les : et le ; ), les retrouvailles de deux frères Jerry et Max. Ils ont un plan pour gagner beaucoup d’argent. Tout devrait bien se dérouler, mais non. Et on est emmenés comme les deux frères, là où on ne s’y attendait pas. C’est haletant et dangereux.
Et puis après
C’est excitant, quand on a aimé un auteur, de découvrir qu’il a déjà écrit d’autres livres, qu’on va pouvoir renouveler son plaisir tout de suite.
Yves Ravey écrit des romans où les apparences sont trompeuses, il embobine ses lecteurs. Il vous embarque dans des lieux à l’atmosphère épaisse, « Bambi Bar », « Un notaire peu ordinaire » , où les sentiments sont décrits simplement, comme s’il ne gardait de ses phrases que les mots importants. Ce sont des romans courts, comme de longues lettres qu’il enverrait pour raconter une histoire : « L’épave », « Alerte ».
Son dernier roman « Sans état d’âme » raconte l’histoire de Gu, Gustave Leroy. C’est l’ami de Stéphanie, elle est amoureuse d’un autre. Elle demande à Gustave d’enquêter sur la disparition de son amoureux. On entre dans l’histoire de Yves Ravey et on en sort transformé, longtemps encore après que le livre soit refermé…
Yves Ravey est édité aux Editions de Minuit.
Il faut lire Yves Ravey.
Pour ses ambiances sombres et ses personnages simples et tortueux.
Pour son style concis et précis.
Pour sa ponctuation et ses phrases percutantes.
Dernier roman paru :