Claudia Piñeiro a une écriture réjouissante: mélange subtil d’humour et d’ironie.
Paru en 2015 aux Éditions Actes sud, et en Mars 2017 dans la collection Babel, À toi est un véritable petit bijou de lecture, traduit de l’espagnol par Romain Magras.
Une femme au foyer suspicieuse
Inès vit avec Ernesto dans une banlieue chic de Buenos Aires. Mariés depuis une vingtaine d’années, ils se sont rencontré très jeunes, ils se connaissent bien, ils ont une fille de dix-sept ans Laura (surnommée Lali). Comme la plupart des ados, Lali se montre chiante avec sa mère, critique envers son père, adorable avec tout le monde. Mais ce n’est pas ce qui tourmente le plus Inès.
Ce qui l’embête beaucoup, c’est qu’elle n’a plus baisé depuis un mois (ou deux ?) avec Ernesto – il bosse énormément, rentre tard et extrêmement fatigué – et qu’elle a trouvé une serviette en papier sur laquelle un cœur a été dessiné au rouge à lèvres, transpercé d’un je t’aime et «à toi» en guise de signature. Attention, elle n’a pas fouillé dans les affaires d’Ernesto, elle cherchait juste un stylo dans sa serviette quand elle est tombée sur ce cœur. Faudrait pas non plus imaginer…
Une épouse méticuleuse
Bien décidée à découvrir qui est «À toi», elle se retient de lui balancer un vulgaire : C’est quoi ça, sale enfoiré? Sur le qui-vive, un soir, elle va surprendre – en décrochant le second combiné téléphonique – juste la fin d’une conversation entre Ernesto et une femme. Son mari quitte la maison, un problème informatique énorme requérant sa présence illico au boulot. Inès le suit. Le rendez-vous a lieu dans une forêt, près d’un lac. De sa discrète position, cachée par un arbre, Inès découvre alors «À toi». C’est Alicia, la secrétaire d’Ernesto. Alicia qui se jette à son cou, veut l’embrasser, pleure, est repoussée brutalement par ce dernier et meurt, sa tête heurte violemment une souche en amortissant sa chute. Inès quitte les lieux à toute vitesse.
En épouse dévouée et méticuleuse, Inès va s’ingénier à soustraire toutes les preuves qui incrimineraient Ernesto. Au bureau et chez Alicia. Elle lui propose un alibi. Elle ne veut subir aucune humiliation, ni être une épouse bafouée, ni être quittée comme sa pauvre mère qui posait trop de questions. Les mecs, faut les laisser tranquilles, ne pas les pousser à dire ce qui ne va pas, ne pas leur donner l’occasion de se tirer. Certaines questions font aussi bien de rester sans réponse !
Une épouse trompée
Inès va faire la connaissance de Charo, la nièce d’Alicia. De passage au bureau de son mari qu’elle pensait emmener déjeuner en amoureux, elle découvre cette superbe jeune femme brune à l’avantageuse poitrine. Ernesto met fin à l’entretien quand Inès arrive, il propose de raccompagner Charo jusqu’à l’ascenseur et se croyant à l’abri des regards, l’embrasse fougueusement. Mais sa femme l’a vu.
Inès commence à comprendre beaucoup de choses. Elle va concocter sa vengeance. Elle fait preuve d’une naïveté mêlée du culot de la nana qui pense tout connaître de la vie , des gens et de leurs réactions, parce qu’elle a regardé des séries policières blottie dans son canapé.
C’est un suspense genre vaudeville, plein de rebondissements, de manipulations et de cynisme, pimenté d’une écriture ironique. Et c’est savoureux.