D’après mon expérience, les gens heureux ne pleuraient pas comme Maman. Ses larmes semblaient provenir d’un monde ailleurs, d’un endroit lointain, situé dans son passé où elle ne laisserait jamais pénétrer aucun de nous, ses enfants. Je sentais que cela cachait une blessure secrète.

James McBride relate son enfance dans ce très beau livre La couleur de l’eau, paru aux éditions Gallmeister en Septembre 2020 traduit par Gabrielle Rolin et Marc Boulet.
Dans ce récit se répondent deux voix : celle du jeune James et celle de sa mère. On entre alors, nous lecteurs, dans l’intimité de ces deux êtres au sein du foyer un peu baroque d’une femme combative et imperméable aux préjugés dont l’unique exigence pour ses douze enfants est qu’ils poursuivent des études. Elle a élevé douze enfants noirs et les a tous envoyés au lycée, la plupart même à l’université.
Enfant, je n’ai jamais su d’où venait ma mère – où elle était née, ni de quels parents, écrit James McBride, une maman dont la peau est bien plus claire que la sienne, une femme blanche qui a épousé un homme noir dans les années quarante dans une société américaine rétive à la mixité, c’est le moins qu’on puisse dire. Veuve de son premier mari et père de l’auteur, qu’elle a aimé éperdument, elle a épousé en secondes noces un homme bon et intelligent, aimant et généreux avec lequel elle a eu d’autres enfants.
Rachel Deborah Shilsky raconte à son fils devenu adulte son parcours de femme ; elle a quitté sa Virginie natale pour aller à New-York, échapper à la tyrannie de son père, un rabbin polonais. Elle a bravé tous les interdits pour épouser un Noir protestant en 1942. New York me grisait. Tout le monde y semblait trop occupé pour se soucier de votre race ou de votre religion. J’adorais ça. Elle a toujours balayé d’un soupir et d’un haussement d’épaule les questions de James sur leur différence de couleur.
Reniée par sa famille, elle élève James et ses onze frères et sœurs dans la précarité, le chaos et la joie.
James McBride rend un hommage affectueux à sa mère sans l’ériger en héroïne ce qui la rend encore plus humaine et admirable.
Il est bon de se plonger dans ce livre émouvant et réconfortant. Et pour découvrir ce qui a La couleur de l’eau !