Un moindre mal

Le soleil se couchait dans un brouillard laiteux juste au-dessus de la cime des arbres. Un bruit transperça l’atmosphère, un braillement ou un cri, difficile à dire. Il aurait pu s’agir d’un chat, d’une femme ou d’un enfant. Warren réalisa qu’il lui était difficile d’échapper un instant à la tension ambiante et à l’état de vigilance dans lequel il se trouvait.

Un moindre mal est un roman de Joe Flanagan, traduit de l’américain par Janique Jouin-de Laurens, édité chez Gallmeister.

Résumé

Cape Cod, 1957. Dans cette petite communauté tranquille, une série de meurtres d’enfants paralyse la population. Une famille disparaît dans d’étranges circonstances, un homme se fait violemment tabasser et refuse de dénoncer ses agresseurs. Le lieutenant Warren, de la police locale, découvre la difficulté de mener à bien son enquête dans un service corrompu. Sa position devient intenable quand arrive dans la région Stasiak, officier légendaire de la Police d’État aux pratiques douteuses. Destitué de ses dossiers, Warren comprend vite que résoudre ces affaires n’est pas ce que recherche ce flic brutal et manipulateur. Pourtant il ne peut rester en retrait de ce chaos, au risque d’y perdre sa place, sa réputation et peut-être beaucoup plus.

Lecture

Dès le premier chapitre, le décor est dépeint ; il y a la plage et les eaux vertes de l’océan, des étendues boisées qui alternent avec des zones désertes, et un peu plus loin, les baraques à palourdes, les commerces et le poste de police où officie le lieutenant Warren, chef par intérim de la police locale.

William Warren est un homme pour qui toutes les affaires méritent investigations, que ce soit les cambriolages répétés de la boutique du couple d’homosexuels, les meurtres d’enfants ou la disparition d’une famille. Warren a un fils qui requiert toute son attention et beaucoup d’affection et d’énergie. Mike est un enfant attardé que le lieutenant élève seul depuis que sa mère est partie. D’une certaine façon, rester ici ressemblait à une pénitence gratuite, non seulement à cause du déclin du quartier, mais aussi de ce qui s’y était passé. Mais le loyer était bas, et comme Warren n’avait pas beaucoup d’argent, il essayait d’en mettre assez de côté au cas où une opération ou un traitement pourrait aider Mike.

Dale Stasiak, policier de Boston, est un héros : ses faits d’armes à Iwo Jiwa l’ont hissé sur un piédestal. Il a aussi démantelé un réseau de mafieux et jouit alors d’une réputation excellente, ça lui vaut la confiance absolue de ses supérieurs quand il débarque à Cape Cod. Ses traits étaient ceux d’un homme plus fin, mais l’ensemble lui donnait un air dur et autoritaire. Ses yeux étaient d’une douce couleur noisette, ce qui produisait un effet troublant, étant donné leur place proéminente dans le visage de cet homme incarnant la virilité absolue.

Elliott Yost est le procureur de Cape Cod dont le souci majeur est d’être réélu. Il ne veut pas d’emmerdes avec les enquêteurs, il veut surtout des résultats.

L’atmosphère tendue est décrite avec justesse : la tension entre Stasiak et Warren affecté de découvrir la brutalité du policier de Boston. J ai essayé de faire ce qui est juste, mais apparemment ce n est pas ce qu’ils veulent. Ce qu’ils veulent, c est quelqu’un déguisé en chef de la police et qui rentrera dans leurs combines politiques, tout en portant l uniforme. Je ne peux pas faire ça. Je ne sais pas faire.

Les chapitres alternent qui décrivent les différentes enquêtes menées, les magouilles de Stasiak et l’obstination de Warren à découvrir la vérité. Si Warren était isolé auparavant, c’était désormais bien pire. Ëtre vu en public était douloureux.

C’est le premier roman de Joe Flanagan, et c’est assurément une réussite. C’est un roman noir du genre seul contre tous, celui d’un homme juste opposé aux trahisons et à la violence dans un monde où plus personne ne sait ce qui est mal.